Par le biais d’une pratique pluridisciplinaire (installation, photographie, peinture, travaux d’aiguilles, montage numérique), Marie-Claire Raoul met en relation des traces mémorielles, objectives ou mentales. L’artiste lève le voile sur certains freins genrés : lorsqu’elle imagine sa série photographique « Je voudrais aller me promener dans les bois », elle met en scène une vingtaine de femmes dans un milieu forestier avec un accessoire personnel, et saisit dans cette expérience un temps de métamorphose, un temps pour être autre que soi. Comment traduire la visibilité/invisibilité des femmes ? L’œuvre « Alix de face, codification sur calque pour canevas » fragmente et pixellise, par la technique du canevas, le visage d’une enfant, réceptacle d’une mémoire trouée, à l’image de chacune de nos existences modelées par l’oubli. Cet alliage entre image numérique et pratique traditionnelle féminine, le canevas, révèle l’appétence de l’artiste à naviguer entre des esthétiques très différentes. C’est ce que confirme « Marcher sur l’eau blanche », une installation végétale dans l’espace public où Marie-Claire Raoul dévoile le génie du lieu : une rivière disparue, et rematérialisée par l’entremise de deux lignes de saules qui écrivent dans l’espace une plongée vers les mondes souterrains. À nouveau, l’histoire enfouie émerge grâce à l’intervention de l’artiste, attentive aux cultures oubliées, aux êtres empêchés, aux pratiques réléguées.

Actuellement, elle poursuit son exploration du vivant dans le contexte des Abers, caractérisé par ses cours d’eau et ses flux souterrains : rendre poétiquement visible ce qui a disparu, faire ressurgir une présence cachée.

Eva Prouteau, Nantes, novembre 2022.