Je voudrais aller me promener dans les bois : genèse du projet

  • Adèle, bois de Kerhoual, 21 décembre 2016

Depuis décembre 2016, je travaille sur la série photographique « Je voudrais aller me promener dans les bois ».
Cette expérience est née de la conjonction de deux intentions : le souhait d’effectuer un travail autour du désir et de ce qui nous anime  ; l’idée d’utiliser un objet comme médiateur de la relation entre le photographe et le modèle, entre le modèle et la nature, le modèle avec lui-même.

j’ai donc proposé aux personnes qui le souhaitaient de venir se promener en ma compagnie au bois de Keroual avec un objet pour jouer et interagir avec leur corps et les éléments en présence.
L’instant d’une après-midi, elles se sont infiltrées dans cet espace « en marge » à la limite de la ville, semi-sauvage, qu’est le bois de Keroual.
Une proximité légère, éphémère, s’installait entre elles et moi. Le silence a permis d’entendre la forêt, les arbres, les fleurs et les plantes, l’eau du ruisseau, le tambourinage du pic cendré… Un instant de communication avec l’impalpable. Une pause.

L’écharpe, le foulard, la balle restaient parfois longtemps rangés dans le sac, le panier ou la poche, ou posés là sur l’herbe, le tronc d’arbre mort, le muret de pierres… Et puis, à un moment, elles se décidaient à le regarder. Elles se concentraient sur sa matière, ses couleurs, sa texture. Sous les doigts de chacune, il s’animait. Comment va-t-il tenir sur cette branche ? Et si je l’enroulais autour du tronc ? Et si je le lançais dans le ciel ? Et si je le posais sur mon visage ? Et si je disparaissais derrière ?

De manière imperceptible, un phénomène étrange se produisait comme si elles passaient de l’autre côté de la réalité. Et dans cette « irréalité » elles s’autorisaient à montrer une singulière image d’elle-même. C’est tout une pratique autour du voilement/dévoilement qui s’instaurait d’abord avec elle-même, ensuite entre elle et moi, enfin entre elle et l’appareil photographique.

Ainsi, par la magie du lieu et de deux volontés réciproques, sous le double regard de la photographe et de l’appareil photographique chacune a révélé son désir d’être au monde, le plaisir de se mouvoir avec et contre lui.

Cet exercice photographique permet une approche sensitive du corps et de son image, de la relation entre soi et la nature et de la rencontre avec l’autre.
Il prend d’autant plus de sens, lorsque la personne ayant souhaité y participer se trouve en situation de désarroi vis à vis de sa propre image.

La série photographique « Je voudrais aller me promener dans les bois » est par ailleurs l’occasion d’un projet éditorial avec la création d’un livret pour chaque promenade. Les personnes ayant pris part au projet sont incitées à contribuer à l’édition du livret (par exemple en proposant leur propre texte ou une citation d’un auteur de leur choix, ou dans le choix/non choix des photographies).